Si un jour on m’avait dit que je mangerais de la panse de brebis… j’aurais ri.
Faut dire que j’ai déjà du mal avec la mienne, de panse – alors rien que l’idée de m’imaginer ingurgiter celle d’un ingénu petit ovin me donne le tournis. Cela dit, s’il y eût bien un jour dans ma vie où il fallut que je m’abandonne aveuglément à la cuisine d’un chef sans à-priori, c’était celui-ci.
Il y a quelques midis, je déjeunais au Plaza. Alain Ducasse y organisait sa cinquième «rencontre essentielle» et invitait alors le prodige écossais Tom Kitchin à prendre les rennes des cuisines. En arrivant au Plaza, je suis d’abord tombée amoureuse du lustre. En goûtant à la cuisine de Tom Kitchin, j’ai réévalué mes priorités.
Ca commence par un divin saumon fumé, mariné toute une nuit au sucre et au sel, servi avec des couteaux de haute-voltige et arrosé d’un Riesling 2010 Grand Cru. Et v’la qu’arrive la panse de brebis, véritable clou du repas. Sans le cérémonial écossais kilt/cornemuses and co, faut dire que la coquine aurait presque pu passer inaperçue. Mais c’est que c’est vachement bon, la panse, cuisinée comme ça… un dressage si fin qu’il rend le plat presque aérien. Le nuage passe. On dirait de la paupiette.
En premier plat, un bouillon iodé de coquillages et crustacés : chaque cuillérée me caresse le palais, je sens la brise délicate de la marée. Et avec un Pessac Leognan 2010 château Lespault-Martillac en accompagnement, que demande l’assemblée…
Lorsque l’on goûte à la tendresse du jarret de bœuf de Tom, on pAnse à la patience qu’il a mise dans ce plat. L’os à moelle est à se damner et la technique d’assemblage et des cuissons semblent bien inspirées du Louis XV à Monaco, où Tom fit ses armes avant l’ouverture de son propre resto «The Kitchin», au Nord d’Edimburgh.
En dessert, pas de regret pour les pâtisseries de Christophe Michalak : Tom nous servit un cheescake rhubarbe/fraises des bois monté au Crowdie, un fromage des Highland. Comme un mirage, une incarnation de la perfection : la juste-note entre le crémeux et l’acidulé. Je baille déjà.
Nous finîmes sur quelques chocolats pralinés de la manufacture Alain Ducasse (qui mirent en émoi toutes les damoiselles de la table,) et nous allâmes nous coucher. Dans nos rêves.